De la duplicité
- maxime krummenacker
- 12 mars 2015
- 3 min de lecture
Il y a des jours où je me demande ce qu’on gagne à être honnête, si ce n’est à passer beaucoup plus de temps sur chaque chose pour en retirer des résultats bien souvent assez chétifs. En comparaison, certains resquilleurs vont si vite et bien en besogne qu’ils atteignent le sommet avant tout le monde et participent aux grands exploits enviés de tous : fortune, gloire, victoire… Le fastueux festin du monde est bien alléchant à côté de la fade biscotte réservée à celui qui suit le chemin sans gruger, comme un con.
Attention ! Je ne prétends pas ici être un saint lavé de tout péché et débarrassé de toute tentation bien au contraire. Je ne dis pas non plus que tous les gens qui réussissent sont des tricheurs ou des feignants. Je souligne ici un type de caractère que l’on côtoie bien souvent sans s’en rendre compte et qui est d’une certaine manière glorifié par la société ultra-compétitive dans laquelle nous vivons.
Nous discutions hier soir avec un ami et, par deux fois lors de la conversation, j’ai pensé à la triche. La première fois était quand nous parlions des entrepreneurs les plus en vue du pays à l’heure actuelle et de leurs méthodes assez peu conventionnelles d’accroître leurs profits. Fondées ou pas, ces rumeurs associent étroitement le succès à la duperie. Tout film américain qui se respecte s’empresserait de faire l’apologie de tels « héros » avant bien entendu de les faire chuter pour leur vilénie face à la morale salvatrice d’une justice implacable envers les félons, et gardienne de la plus haute dignité de l’institution républicaine amen.
La seconde fois où la duplicité s’est immiscée dans mon esprit était quand nous parlions d’entrainement et de musculation. J’avoue avec honte avoir troqué la nature sauvage et les grands espaces pour le confinement aseptisé et puant d’une salle de sport où je me rends régulièrement dans le but, tout aussi inavouable, de d’exhiber un torse viril sous le soleil des beaux jours à venir. Nous évoquions donc la difficulté de certains exercices physiques quand je me suis surpris, très naïvement me semble-t-il, à réaliser que de nombreux mecs prennent des cachetons pour se faire gonfler artificiellement. Je repensais tout à coup à ce gars qui poussait cent kilos par séries de huit fastoche alors qu’il n’était pas beaucoup plus lourd que moi qui, au passage, en chie déjà grave avec soixante kilos. Je réitère ne pas vouloir tomber dans la mauvaise foi et accuser à tort cette personne qui est peut-être et sans doute réellement plus forte que moi, mais mon pote m’a fait remarquer que la prise de certaines substances décuple l’énergie générée par les muscles. Quoiqu’il en soit, le gars en question aura certainement un torse plus bombé que le mien cet été.

Et alors ? me direz-vous. Et alors c’est bien la question. Je me sens parfois bien con de ne pas chercher tous les moyens, y compris les plus ignominieux, pour arriver à mes fins. Au lieu de cela je refuse certains procédés et me heurte de plein fouet au fait que les actions entreprises sont plus pénibles à réaliser et les résultats plus médiocres, ce qui provoque inévitablement en moi un abattement profond. Et pourtant, malgré tout, je n’ai pas envie de boire des poudres « 100% naturelles » (faudra me montrer à quel arbre elles ont été cueillies) pour faire gonflette, ni la moindre appétence pour aller faire des magouilles tordues avec des stars de la finance.
Les paroles de Jacques Brel dans sa chanson « Ces gens-là » me trottent dans la tête depuis que j'ai commencé à écrire :
« Faut vous dire monsieur, que chez ces gens-là on ne vit pas monsieur, on ne vit pas. On triche. »
Je suis sûr que les oiseaux auraient également un bon mot à conter là-dessus qu’on partagera plus tard, et je conclurai ici en disant que la duplicité est comme un miroir de soi-même, si on aime ce qu’on y voit alors tout roule.
Jacques Brel, Ces gens-là
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