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Du remède

  • Photo du rédacteur: maxime krummenacker
    maxime krummenacker
  • 1 oct. 2015
  • 4 min de lecture

"Ne craignez pas dieu Ne vous inquiétez pas de la mort Le bonheur est facile à obtenir La souffrance est facile à supporter"

Telles étaient les paroles d’Épicure il y a plus de 2300 ans déjà. C’est fou ce que le temps peut se distordre sous l’effet de certaines maximes, au point de réduire l’immensité des millénaires à une distance à peu près égale à zéro. Et voilà, en une fraction de seconde c’est comme si nous étions assis sur les genoux d’Épicure lui-même dans la douceur surannée de son jardin athénien.


On confond souvent à tort la philosophie d’Épicure avec une sorte d’hédonisme philosophico-économique dont la motivation est la recherche du maximum de satisfaction par un minimum d’efforts. En réalité, Épicure était bien plus sage que cela et considérait que le souverain bien de toute vie est le plaisir, défini essentiellement comme l’absence de douleur, et atteignable grâce à une conduite sobre de laquelle doit découler l’ataraxie, ou absence de trouble. Cest, selon lui, la pleine conscience de cet état qui procure le bonheur suprême.


Cette philosophie peut être résumée par le « tetrapharmakon » ou « quadruple remède » cité ci-dessus et que, à l’instar du psychiatre Christophe André, je pourrais bien un jour graver au burin sur le pas de ma porte, voire me le faire tatouer sur le front ou sur le mollet afin d’avoir une bonne raison de porter un short toute l’année pour exhiber glorieusement les marques de ma personnalité… comme semblent le faire toutes les personnes qui ont un tatouage sur le mollet, même en Suède !


Le tetrapharmakon pourrait être interprété de la manière suivante :


« Ne craignez pas dieu »


Comme un prélude au vers suivant « Ne vous inquiétez pas de la mort », le concept de Dieu, ou dieux, n’était pas compatible avec la philosophie épicurienne. Cette dernière ne nourrissait pas d’inquiétude quant au fait de se voir punir ou absoudre par des puissances divines en fonction du degré d’adoration que l’on manifestait à leur égard. Les dieux étaient plus considérés comme d’hypothétiques états de bonheur que comme des instances supérieures de jugement et jouaient ainsi un rôle de modèle vers lequel tendre, quoique au-delà de la condition humaine.


« Ne vous inquiétez pas de la mort »


Entendez : la mort n’est rien car elle est privation de toute sensibilité, or tout bien et tout mal résident dans la sensation.


« Le bonheur est facile à obtenir »


À considérer que le bonheur consiste en des choses simples, tel que manger ou s’abriter, ce dernier est accessible au plus grand nombre avec un minimum d’efforts et peu importe les richesses… du moins en théorie, notamment si l’on considère les milliers de personnes qui sont en exil sur les routes d’Europe à l’heure actuelle, et toutes celles qui ont subi les exactions des conflits innombrables dont l’histoire de l’humanité est surchargée. Quelqu’un qui désire plus que ce dont il a besoin limitera ses chances de satisfaction et donc de bonheur, et créera de la sorte une surcharge inutile d’anxiété dans sa vie. Par exemple : je m’ennuie à mourir dans mon job, je veux changer mais je n’y arrive pas malgré les tentatives répétées, les portes restent hermétiquement closes. Je me sens très irrité par cet état de fait alors que franchement, je n’ai pas vraiment de quoi me plaindre. C’est vrai après tout, j’ai de quoi manger et un toit sur la tête, les facteurs « désir », « influence » et « rétribution » ne sont que des leurres. Ouf, c’est très rassurant, je me sens maintenant heureux d’envisager une vie potentiellement très longue dans la situation végétative actuelle, c’est tellement réjouissant de revenir à mon état naturel… de carotte.


J’ajouterai que la volonté des uns d’accumuler toujours plus est cause des privations imposées à d’autres. Sans entrer dans un débat sur les fondements du libéralisme, les conséquences de tels comportements ne sont pas uniquement préjudiciables aux seuls agissants mais également, et c’est plus grave, à autrui.



Épicure



« La souffrance est facile à supporter »


Il me semble que c’est Paolo Coelho, en français Poil de Cul, qui disait que la crainte de la souffrance est pire que la souffrance elle-même, seule réflexion qui le rapproche d'Épicure. Ce dernier pensait en effet que, par nature, la maladie et la douleur ne font pas souffrir très longtemps, car la souffrance et la douleur sont soit brèves ou chroniques… soit légères soit intenses, mais la gêne qui est à la fois chronique et intense est très rare. Et d’ajouter que comme « le bonheur est facile à obtenir », reconnaitre sa limite physique et mentale et son seuil de douleur, ainsi que demeurer confiant que le plaisir suit toujours la douleur (et évite l’anxiété au sujet de la douleur) constitue le remède contre la souffrance prolongée (Wiki).


J’ouvre ici une parenthèse sur le caractère général de cette pensée, qui ne s’applique évidemment pas à tous les cas et notamment ceux évoqués par Oliver Sacks dans son ouvrage Musicophilia. Il y relate la vie de personnes frappées « d’hallucinations musicales » qui, généralement après une perte partielle voire totale de l’audition, commencent à entendre différents bruits allant du hurlement strident de la sirène des pompiers aux accords harmonieux des concertos de Mozart, le tout 24 heures par jour, ce qui s’apparente à un calvaire total, prolongé et intense. Sacks mentionne que l’impact des médicaments est très relatif sur ce type de troubles et que les remèdes les plus efficaces sont bien souvent liés à des exercices de concentration, à l’écoute effective de musique ou encore à la pratique d’un instrument, sans que, toutefois, cela n'aboutisse à un effet curatif permanent.


Quoiqu’il en soit, j’ai trouvé ces vers d’Épicure inspirants et je tenais à partager cette expérience avec toi cher lecteur, qui est peut-être en quête d’un remède à tes questionnements existentiels.

 
 
 

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