De la dignité
- maxime krummenacker
- 30 nov. 2015
- 4 min de lecture
Monnaie, dièse, négo ; Colère, sexe, ego ; Ce monde est barge bientôt je me barre comme Seth Gueko. Je veux esquiver les lois du coup je m’éloigne comme un écho, J’apporte un nouveau juice appelle-moi Youss, on se nait-co. En folie comme la techno, La police est à té-co, Blédard concept en place je reprends le blaze de Al Peco. Ma dignité comme d’habitude, écrasée comme un mégot, Ils disent que Négritude est juste un ablum pour les négros... merde ! Dans le silence et dans les ténèbres j’ai dû faire un feu, J’ai le flow d’une étoile filante quand je rappe tu peux même faire un voeu. J’accuse les colons ils veulent des preuves à l’appui J’ai pas besoin de voir le ciel pour savoir d’où provient la pluie. Je suis Sous somnifères mes crises de nerfs sont fouillis, Solitaire j’ai des amis imaginaires, comme Dewey ! Putain, c’est une douleur étrange et si cette douleur vous dérange, C’est que vous refusez de voir la vraie couleur des anges.
Youssoupha, Couleur des anges
Qui n’a jamais été confronté à des difficultés plus longues qu’escompté ? Quel être humain qui se respecte n’a jamais eu à faire face à la résistance prolongée du sort et au sentiment que rien ne va plus, au point de sombrer, lentement et inexorablement, dans l’océan acide et jaunâtre de la désespérance ?
C’est de ce genre de situations dont on se souvient avec un brin d’amertume et d’anxiété, tout en se sentant raffermi d’en être finalement sorti plus ou moins intact. Après coup, l’on repense avec un sourire aux lèvres à ces moments d’abandon fiévreux, où l’on basculait de l’espoir de changement au confinement de la désillusion. On se revoit, harcelé par les idées noires, en train de pester seul ou entre proches contre le monde entier de tous les malheurs qui nous accablent, nous personnellement, et contre l’insupportable fardeau qui pèse sur nos épaules d'apprenti Sisyphe. Parfois, dans la perte de contrôle de soi la plus totale, on n’en arrivait même à gémir en public, espérant à tort que cela appaiserait nos souffrances et sans se rendre compte de l’avillissement dans lequel on se jetait sans frein ni pudeur.
Le Larousse définit la dignité comme une attitude empreinte de réserve, de gravité, inspirée par la noblesse des sentiments ou par le désir de respectabilité ; comme le sentiment que quelqu’un a de sa valeur.
Réagir avec dignité ?

Oh, quand je repense aux lamentations pathétiques que j’ai pu lâcher j’en rougis encore croyez-moi, mais je crainds que l’apprentissage de la dignité emprunte cette voie étriquée, pour peu que l’on finisse par se rendre compte de l’abîme dans lequel on se précipite soi-même. Car il arrive encore fâcheusement que certains ne tirent aucune leçon de telles errances et continuent de bafouer leur dignité, et par là même, la dignité humaine en générale. Schopenhauer nous rappelle à juste titre l’implacable évidence selon laquelle : « D’une manière générale, il est vrai que les sages de tous temps ont toujours dit la même chose, et les sots, c’est-à-dire l’immense majorité de tous les temps, ont toujours fait la même chose, à savoir le contraire, et il en sera toujours ainsi. »
J’ai été mainte et mainte fois en proie au désespoir depuis que je suis en Suède, particulièrement en ce qui concerne la recherche d’emploi. Encore aujourd’hui, après deux ans et demi d’efforts et de précarité, je ne me sens toujours pas satisfait des options professionnelles qui me sont proposées. Je voyais l’autre jour sur Facebook le message d’une femme en plein supplice, basculant ouvertement dans le désarroi et son cortège d’indescences. Elle pleurnichait de ne pas trouver de travail, malgré ses hautes études en finance et ses trois années d’expérience qui s’avèrent être stériles sur le marché du travail suédois. La pauvre. Encore une créature désabusée d’apprendre qu’elle n’est ni merveilleuse, ni unique !
Quel manque de dignité manifeste cependant, spécialement de la part de quelqu’un qui devrait connaitre les lois du marché et leur principe d’équilibre entre l’offre et la demande. D’ailleurs, comment vouloir secourir cette personne sachant qu’elle reprèsente une menace directe, une concurrente, dans l’impitoyable jungle économique qui nous mâchonne jusqu’à être vidés de toute humanité, dévoyés au point de lorgner avidement la chute de l’autre et de se délecter de son agonie. Le pire, c’est que je comprends tout à fait cette personne et je peux visualiser les moindres détails du décor mental dans lequel elle se trouve déchaussée à l’heure actuelle. Un désert de glace baigné dans une obscurité quasi-permanente. Peu de gens vers qui se tourner et encore moins de mains qui se tendent pour l’aider à s’extirper du marasme.
Au fond de moi, je souhaite à cette personne de s’en sortir le plus rapidement possible, mais après moi tout de même, au risque de me faire regretter ces sensibleries d’un autre monde qui se voudrait meilleur.
En attendant, je repense aux derniers vers du poème d’Alferd de Vigny contant la mort du loup :
Hélas ! ai-je pensé, malgré ce grand nom d’Hommes, que j’ai honte de nous, débiles que nous sommes ! Comment on doit quitter la vie et tous ses maux, C’est vous qui le savez, sublimes animaux ! A voir ce que l’on fut sur terre et ce qu’on laisse Seul le silence est grand ; tout le reste est faiblesse. - Ah ! je t’ai bien compris, sauvage voyageur, Et ton dernier regard m’est allé jusqu’au coeur ! Il disait : « Si tu peux, fais que ton âme arrive, A force de rester studieuse et pensive, Jusqu’à ce haut degré de stoïque fierté Où, naissant dans les bois, j’ai tout d’abord monté. Gémir, pleurer, prier est également lâche. Fais énergiquement ta longue et lourde tâche Dans la voie où le Sort a voulu t’appeler. Puis après, comme moi, souffre et meurs sans parler.
Alfred de Vigny, La mort du loup
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