De l'ours polaire
- maxime krummenacker
- 13 nov. 2015
- 3 min de lecture
« Dans les ténèbres et dans le silence j’ai dû faire un feu. »
J’ai hésité à appeler ce billet « de l’acceptation » mais il m’a semblé que les ours polaires illustraient parfaitement cette idée si tragiquement salutaire. Et si vous vous demandez quel peut bien être le rapport entre l’acceptation et les ours polaires, je vous invite y réfléchir deux minutes avant de parcourir les lignes qui suivent.
Nous assistons sans doute en ce moment à l’extinction de l’espèce des ours blancs qui peuplent les confins arctiques de notre planète. La télé nous montre souvent des images attendrissantes et disneyifiées de ces gros mammifères carnivores, ce qui est une insulte probablement nécessaire à la majesté des kaisers de la chaine alimentaire. Car si la résistance est à ces animaux ce que la sève est aux arbres, leurs conditions de vie sont en train d’empirer. Chaque année à la fonte des glaces pendant la saison estivale, les ours blancs entrent dans une période critique durant laquelle ils ne mangeront rien pendant des semaines, voire des mois, faute de proies. En effet leurs mets préférés, les phoques, ne sont pratiquement plus atteignables une fois que la banquise a disparu, ce qui laisse les ours blancs à la merci des courants sur lesquels dérivent leurs derniers refuges de glace. Ne vous approchez pas trop près si vous en croisez un dans cet état, vous pourriez regretter votre mégarde à l'encontre de ces gentils petits et ne pas avoir l'occasion d'en vouloir à Disney.
Sous l’effet du réchauffement climatique, les étés se font de plus en plus longs, accentuant ainsi dramatiquement les périodes de jeûne des ours polaires. En 2007, certains d’entre eux ont dû patienter jusqu’à six mois avant de pouvoir se mettre un phoque sous la dent. Six mois sans le moindre petit phoque, ça laisse en revanche le temps de se mettre un gros fuck là où je pense. Seuls les plus forts et les plus gros peuvent survivre à cela, une année, peut-être deux, avant de s’éteindre.
Le plus notable dans cette histoire, c’est le silence et la patience dont ces animaux font preuve face à leur destin tragique. Ils n’ont certes pas d’autre choix que d’attendre le retour de l’hiver et la solidification de la banquise mais tout de même, leur instinct de survie ne lâche rien et les pousse à continuer. C’est ce que j’appelle l’acceptation totale de la situation, si mortellement contraignante soit-elle.

« Accepter n’est pas renoncer » m’a-t-on dit récemment et cette douloureuse assertion n’a cessé de grincer dans ma tête de névrosé depuis lors. Accepter n’est pas renoncer ! C’est comme si ma femme se pointait un jour en me disant que sucer n’est pas tromper et que, double peine, c’était à moi d’avaler la décharge sans broncher. Difficile à digérer sur le coup et il faut un certain temps pour entrevoir la multitude d’opportunités qui se cachent derrière une telle perfidie, car il y en a pour sûr. Après tout on ne sait jamais ce que l’avenir nous réserve, mais l’on sait en revanche qu’il nous est possible de l’accueillir de différentes manières.
Je pense souvent aux ours polaires en ce moment, probablement parce que l’iceberg sur lequel je me suis posé dérive depuis un certain temps maintenant. J’ai toutefois une situation bien plus enviable que mes lointains cousins à la blanche fourrure car je ne sais pas ce que signifie le fait d’avoir faim en attendant la fin. Une autre différence considérable entre eux et moi réside dans le fait qu’ils acceptent leur sort, sans pour autant renoncer à tout espoir. Ils savent que la saison qui leur est favorable reviendra quoiqu’il arrive… jusqu’au jour où peut-être, elle n’arrivera plus.
Je me sens ordinairement fébrile de ne pas obtenir ce que je veux, comme si la vie me passait sous le nez pour me titiller sans que je puisse l’atteindre. Les ours polaires, longanimes, me rappellent cependant que si la nature ne se presse pas, tout fini pourtant par être accompli.
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