De la futilité
- maxime krummenacker
- 14 mars 2015
- 3 min de lecture
”Je connais une planète où il y a un Monsieur cramoisi. Il n’a jamais respiré une fleur. Il n’a jamais regardé une étoile. Il n’a jamais aimé personne. Il n’a jamais rien fait d’autre que des additions. Et toute la journée il répète comme toi : « Je suis un homme sérieux ! Je suis un homme sérieux ! » et ça le fait gonfler d’orgueil. Mais ce n’est pas un homme, c’est un champignon !”
Saint-Exupéry, Le Petit Prince
Telles étaient les paroles naïves du Petit Prince face à la remarque de l’aviateur qui s’occupe de « choses sérieuses » et, je ne sais pas vous, mais je trouve ses remarques très rassurantes. J’ai parfois le sentiment désagréable d’écrire sur des sujets vains et futiles depuis que j’ai commencé ce blog. À d’autres moments en revanche, la question ne se pose même pas et les mots sortent aussi naturellement que s’écoule l’eau d’un torrent, sans plus de prétention que de partager une pensée, une interrogation ou une humeur.

© Pintarest.com
Ce qui est étonnant, c’est de juger ces actions au regard de ce que je peux voir et entendre dans l’actualité et de culpabiliser de n’avoir rien d’autre à raconter que mes microscopiques chiures de mouche embourgeoisée, confortablement installé dans une existence insignifiante mais ô combien importante à mes yeux (de mouche).
Me sentirais-je donc mieux à déblatérer chaque jour sur le fait que la guerre guerroie, que la tyrannie tyrannise, que la tuerie tue, que la merde pue, que les sadiques torturent, que les salauds salopent, que les jaloux jalousent, que les escrocs escroquent, que les menteurs mentent, que les acheteurs achètent et les vendeurs vendent, que les truands truandent, que les clochards clochardent, que les vivants meurent ou vivent comme des morts-vivants, que les racistes tiennent des propos racistes et que les mother fuckers fuckent des mothers ?
Vraiment un lexique réjouissant me direz-vous ! Tout-à-fait d’accord, c’est le chant des journaux et de la presse en général, le seul digne de valeur commerciale, le seul qu’on entende en boucle à longueur de temps tous les jours de l’année bissextile ou non-bissextile, sans interférences, sans répit, sans joie ni peine, toujours du même ton neutre et distant qui passe mieux quand on bouffe en même temps. Pizzete regardait TV5 Monde tous les matins il y a quelques temps, avant d’arrêter qu’on rebaptise cette chaîne « TV5 Guerre » puisque c’est apparemment la seule chose qui se passe chaque jour sans exception dans ce bas monde selon eux. Important à savoir ou pas, est-ce exclusivement cela qui arrive dans le monde ?
C’est vraiment là un discours empathique n’est-ce pas, mais honnêtement, rien que le fait d’écrire ces quelques lignes est une thérapie en soi. Tant de « vrais problèmes ». Tant de gens pour en parler. Que serait la vie sans tous ces « vrais problèmes » ? Est-ce qu’on se ferait tellement chier dans nos misérables existences sans tout cet amas fumant et radioactif de trucs sérieux ?
Si j’avais du temps aujourd’hui j’irais m’allonger dans l’herbe pour jouir des premières caresses du printemps. Sentir la chaleur du soleil sur mon visage, écouter les oiseaux chanter et admirer la nature se parer sereinement des perles bourgeonnantes de la renaissance à venir. Je fermerais les yeux et laisserais au vent le soin d’emporter au loin mes pensées obscures. Je tenterais d’expérimenter le grand privilège que j’ai de n’avoir pas de problèmes trop sérieux. Je dirais à Pizzete que je l’aime, le plus futilement du monde.
Komentáre