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Du sacerdoce de la recherche d'emploi

  • Photo du rédacteur: maxime krummenacker
    maxime krummenacker
  • 18 mars 2015
  • 4 min de lecture

Il y a des jours où l'on souhaiterait rester couché chez soi et disparaître. Il y a également des situations qui provoquent ce sentiment, comme la recherche d’emploi par exemple. Personnellement, il me suffit d’une minute de recherche pour sombrer. C’est psychosomatique, comme si une pierre me tombait sur la tête, lourde, compacte, assommante. Rien que d’en parler m’épuise. Toutes ces annonces, tout ce jargon, toutes ces compétences, tout le poids infernal d’un processus de mise en compétition des individus, forcés de vendre leurs fesses plus ou moins cher à des entreprises qui dépensent des fortunes en communication pour afficher une image d’employeur idéal. Envoyer dix, vingt, cinquante, cent, mille CV et lettres de motivation lourdes de toute la démotivation éprouvée durant des mois de recherche infructueuse, pour finalement rencontrer un éventuel recruteur qui va vous scruter sous toutes les coutures, vous faire passer au détecteur de mensonge pour savoir si vendre des stands en kit dépliants ultra-innovants pour événements outdoors à mi-saison dans un environnement venteux est votre plus grand rêve depuis que vous savez marcher, vous demander combien de rapports sexuels vous avez par semaine parce que cela peut influer sur votre performance, vous interroger anxieusement sur vos prétentions salariales et votre carnet de santé dans la crainte de tomber sur une personne éventuellement trop gourmande et/ou en passe de devenir malade, et qui conclura par vous demander le pédigré de votre chien, chat ou castor parce qu’ïl est en réalité zoophile mais sous prétexte de vouloir déterminer votre niveau d’empathie.


Et là je ne parle que des boulots auquels peuvent prétendre les gens déjà riches et éduqués. Pour les autres ce sera au mieux le pôle emploi et ce que la conseillère d’orientation aura de mieux à leur proposer autrement dit par grand-chose, au pire un gobelet vide et un regard désespéré pour faire la manche huit heures par jour devant le supermarché. Et oui, même les clochards sont aux quarante heures hebdomadaire dans ce bas monde, concurrence oblige.


Il est par ailleurs intéressant de remarquer que, en Suède, de nombreuses entreprises de coaching en recherche d’emploi ont fleuri ces dernières années après une décision gouvernementale de subventionner de telles agences, versant une copieuse somme d’argent public pour chaque chercheur d’emploi qu’elles accompagnent sur le long et difficile parcours de l’insertion professionnelle. L’ironie de cette histoire est que les agences en question ont été créées à l’occasion par des chercheurs d’emploi n’ayant pas réussi eux-mêmes à décrocher un job et qui, à défaut, sont devenus entrepreneurs en coaching... pour la recherche d’emploi ! Acmé de la vertu capitalistique qui pousse chaque individu à s’autodéterminer et prendre en main les rênes de sa destinée ou absurdité totale poussant les rebuts et autres parias de la société (car c’est plus ou moins ce que l’on est aujourd’hui sans travail) à être conseillés par d’autres rognures ayant lamentablement échoué leur entrée dans le monde ô combien élitiste et, a priori enviable mais passablement ébréché, de l’homo oeconomicus ? La réponse est aussi impénétrable que la chatte de sa propre mère, sans parler du bilan douteux qui doit résulter des conseils prodigués par de tels coaches : « Vous vous êtes ramassé combien de fois cette semaine ? Aucune ? Mais combien de CV avez-vous envoyé ? 1238 ! Bien continuez et revenez dans un mois le temps que j’encaisse mon chèque du gouvernement. À ce train là, vous pourrez vous aussi ouvrir prochainement une agence de coaching... »


Non, chercher un travail n’est vraiment pas une expérience enrichissante, quoiqu’en disent certains coaches, encore eux mais pas les mêmes, qui colportent aux quatre vents que l’échec n’existe pas et que c’est juste une vue de l’esprit. Quelle intéressante logorrhée ! Alors si je comprends bien, si l’échec n’existe pas, il n’influe donc pas sur le psychisme et le moral des gens, il n’est pas un facteur déclencheur d’anxiété et d'exclusion, et il n’impacte en rien le semblant d’estime et de confiance dont on a tant besoin et que l’on cherche désespérément par tous les moyens depuis nos premiers pas sur cette planète ? Merveille, ce n’était qu’une vue de l’esprit ! Cela voudrait aussi dire que le succès ou la réussite et toute la satisfaction que l’on peut en retirer, surtout liée à une posture et une organisation sociale dans laquelle nous sommes profondément enlisés, n’existent pas non plus comme pendant dudit échec. La remarque est toutefois intérressante et l’on peut y admirer un effort d’abstraction, voire un élan semi-mystique, résonance stochastique d’une sous-interprétation du langage des oiseaux. Pour cela je suis quand même prêt à applaudir, si toutefois il y avait originellement une telle intention, ce dont je doute.


J’ai pour ma part encore du mal à me remettre de mon dernier et énième entretien/échec. Sans parler de l’infernal rituel sourire d’ivoire/costard/bobards dans lequel il faut s’avilir à chaque fois, et pour quel résultat ? Non merci monsieur! Nej tack! No thank you mother fucker ! Je me sens lésé comme le très ambigu et non-moins fascinant Gyp Rosetti en ce moment. Ce personnage mériterait un billet blog rien que pour lui, mais en attendant, extrait :


Gyp Rosetti priant à l'église - Broadwalk Empire (en anglais)

Je conclurai ici par le truisme suivant : l’échec existe et il fait mal autant se le dire. Vous pouvez même tester le chessboxing (échecs/boxe) pour vous en rendre compte si, par maso-hasard, vous souhaitiez en expérimenter la douleur au travers de vos cinq sens. De plus, chercher un travail est un sacerdoce difficile et ingrat mais indispensable. Cela dit, la grande horloge cosmique tourne et chaque jour qui passe provoque le départ à la retraite de nombreux employés, ce qui vous fait monter dans l’imperceptible classement des ressources humaines employables. Enfin et surtout n’oubliez pas le plus important, sur dix pas, neuf ne font que la moitié.

 
 
 

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