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De la résurrection

  • Photo du rédacteur: maxime krummenacker
    maxime krummenacker
  • 3 avr. 2015
  • 5 min de lecture

Se souvient-on encore de ce qu’est Pâques en ce weekend de Pâques ? Pour ma part j’ai le souvenir évanescent d’assemblées familiales heureuses, où nous nous retrouvions tous, parfois même en compagnie de mes grands-parents qui vivaient très loin, et célébrions sans le dire le retour du printemps autour d’un plat à base d’agneau et, surtout, de tonnes de chocolat. Je me souviens de chercher les œufs de pâques dans le pré avec mes frères, ma sœur et mes cousines, nos parents nous aiguillant tant bien que mal, et faisant aussi discrètement que possible les gros yeux aux petits malins qui savaient où été cachés les précieux trésors et qui s’amusaient à les dénicher avant tout le monde. Que de bons souvenirs, probablement les meilleurs et les seuls qui comptent vraiment avec le temps qui passe : la lumière du printemps sur les visages, la chaleur des rires et la quiétude du cocon familial. Oui c’est probablement tout ce qui compte dans notre existence humanoïde fragile.


Petite parenthèse, je viens d’échanger quelques mots avec un client serbe au moment où j’écris ces lignes. Il m’a dit à quel point la Suède est un pays merveilleux, chose dont j’avais tendance à douter au sortir de l’hiver, en comparaison avec la situation actuelle et passée de son pays. Il a évoqué le confort de pouvoir marcher dans la rue sans crainte et l’angoisse viscérale qu’il ressent systématiquement en entendant un avion passer au-dessus de sa tête, ce qui, et c’est le cas de le dire, passe à des années-lumière au-dessus de la tête des Suédois, la mienne y compris. Cet homme sait certainement mieux apprécier que moi les bonnes choses, les petits riens qui font la vie.


Pour en revenir à nos moutons, peut-être que c’est cela Pâques. Prendre conscience et s’imprégner de la présence rassurante des autres, fouler l’herbe vive et encore baignée de la première rosée printanière du monde renaissant – ou fouler le pavé de la cité moderne sans crainte pour sa vie ni celle de ses enfants. Renaître au monde. Renaître avec le monde.


Mais que s’est-il passé à Pâques au juste – j’entends ici la Pâques chrétienne ayant été éduqué dans cette tradition ? Pâques, c’est la résurrection du Christ. Jésus, après avoir été condamné, supplicié et exécuté a finalement ressuscité d’entre les morts pour retourner auprès de son Père, rien que ça ! Si ce mec représente aux yeux de notre civilisation l’allégorie fondamentale de la vie sur cette terre, je me pose quelques questions, après avoir bien entendu cessé de flageoler, épouvanté à l’idée du sort abject qui est le nôtre.


En reprenant mes esprits, voilà qu’une explication bien plus sereine jaillit à mon esprit. Pourquoi Pâques ? Jésus est mort comme l’hiver et a connu la résurrection, comme le monde renaît au printemps. Il est remonté chez son Père comme nous remontons sur les genoux de nos parents après s’être glacé les pieds dans l’herbe humide à chercher les œufs en chocolat. Il a souffert le martyr, alors même que beaucoup le considèrent comme le meilleur des hommes, voire le créateur Lui-même, afin de nous apprendre – à nous pauvres créatures débiles et chétives, comme nous le radotent les quantiques insupportables du catéchisme – afin de nous apprendre qu’il faut mourir pour pouvoir renaître.


Il nous faudra mourir pour pouvoir renaître !

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© www.telegraph.co.uk


J’ai déjà entendu cette sentence dans le bec des oiseaux, mais son sens, malgré une apparente simplicité, reste pour le moins inaccessible. « Il vous faudra mourir à vous-même pour pouvoir renaître. » Mais pourquoi mourir pour renaître quand on sait déjà l’issue fatale qui nous attend ? Faudra-t-il donc mourir plusieurs fois et renaître autant de fois ? Merde alors, comme si une fois ça suffisait pas !


À l’image des saisons, je veux bien admettre l’idée poétique d’un passage transitoire, d’une transformation, au travers d’un cycle vie/mort/résurrection, mais je n’arrive pas à m’expliquer la nature d’une telle séquence. À chaque printemps les fleurs éclosent de la même couleur, les arbres bourgeonnent un centimètre plus haut que l’année précédente, la vie reprend ses droits originels dans une explosion simultanée et incontrôlable, sans que l’on comprenne bien ce qui change au fond. Si la résurrection est évidente, la transformation elle ne l'est pas.


Pourquoi avoir besoin de mourir et de renaître constamment dans ce cas ? Pourquoi ne pas simplement « circuler » et laisser les choses se passer en douceur d’un point A à un point B et basta ! Non, il faut aller radicalement de A à B, puis de B à A et à nouveau de A à B dans un balai auquel on pige que dalle et ce pour les siècles des siècles amen. On entend souvent dire que la répétition est la « pédagogique cardinale vertu » (je parle comme Yoda), ce qui par analogisme avec le sujet du jour nous renverrait à un statut d’enfants en bas-âge recevant avec force rabâchement le plus primitif apprentissage des connaissances élémentaires sur la nature humaine. Dans ce contexte, je comprends mieux pourquoi on préfère aller se mouiller les pieds pour ramasser des œufs de pâques, c’est moins compliqué et à la portée de n’importe quel crétin.


Si je m’interroge maintenant sur le lien qui existe, ou devrait exister, entre Pâques, Jésus et mon indigente personne, il s’avère que cet instant du calendrier liturgique chrétien est un point nodal majeur, au carrefour de notre expérience de la vie sur terre. (Je sais qu’en ce moment vous commencez à douter de ma santé mentale chers lecteurs, mais rassurez-vous, je n’ai jamais tué ni violenté personne, je n’adhère à aucune secte et suis aussi critique sur moi-même qu’on peut l’être à l’égard d’un film de Pedro Almodovar).


Je disais donc que je vois un lien entre le cycle du monde, Jésus et moi : l’hiver m’a tué le moral, tout comme il a tué la nature et tout comme les Romains ont tué Jésus, lentement mais sûrement. Mais le printemps est inévitablement revenu en cette période de Pâques, sans faillir, sans aucun doute, il a reparu telle la promesse faite à chaque particule biologique et minérale présente sur cette terre, la promesse que la renaissance aura bien lieu quoi qu’il advienne, même si cette dernière se fait parfois attendre. La nature bourgeonne et me fait éternuer ; Jésus est ressuscité ; et ma petite personne rabougrie et névrosée a bien du mal à retrouver le sourire et la joie de vivre, même si je sens déjà au fond de moi la chaleur incandescente du soleil estival et revois avec un plaisir ingénu le visage lumineux de mes proches, la seule chose qui compte au final et pour laquelle je suis prêt à mourir autant de fois qu’il le faudra.

 
 
 

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