top of page

De l'instinct grégaire

  • Photo du rédacteur: maxime krummenacker
    maxime krummenacker
  • 8 avr. 2015
  • 4 min de lecture

J’évoquais déjà le funeste destin des moutons de Panurge dans un précédent billet, mais le sujet n’est pas encore épuisé, loin de là, et je reste fasciné/terrifié par l’instinct grégaire qui anime l’espèce humaine. La facilité avec laquelle la multitude influence l’individu est déconcertante. Thor et son marteau qui bat les éclairs et la foudre pourrait tout aussi bien représenter une telle puissance face à laquelle on ne peut rien, sinon la subir en fermant les yeux, en se penchant bien gentiment en avant les jambes suffisamment écartées et la bouche grande ouverte…


L’idée de ce billet a (re)surgi ce matin en sortant de chez moi, en Suède, quand je suis tombé nez-à-nez avec un voisin inconnu qui se dirigeait vers le métro. Le voisin en question, un Suédois d’une trentaine d’années et de catégorie socio-professionnelle supérieure, arborait crânement barbe bien taillée et brillantine sur le crin, pantalon taillé trop court et trench-coat Burberry, le tout dans un ton beige/gris clair qui contrastait à merveille avec son teint auburn, dans la plus pure tradition du péquenaud embourgeoisé. L’image était si « conventionnelle », comme un sentiment itératif de déjà-vu, que j’en étais presque irrité. Le plus drôle, c’est que le drôle en question a été rejoint la rue d’après par son copain troll sapé exactement pareil, mais sur un ton plus bleu/noir histoire de pas trop copier quand même. C’est à ce moment que je me suis dit « là les cocos je vais pas vous rater, vous allez faire l’objet d’une revue critique ». Pour en finir avec le zwanze de la situation, une pub placardée dans le métro décrivait le visage ô combien original d’un Suédois barbu aux cheveux gominés etc.


Je pensais au pouvoir de ces images et à leur influence sur nous, le troupeau, et je me suis demandé qu’est-ce qui pouvait bien faire qu’on ait envie d’y ressembler. Qu’est-ce qui fait que, quand on nous dit « barbe » tout le monde a une barbe et quand on nous dit « rasoir » tout le monde a un putain de rasoir ? Entre nous, j’opterai volontiers pour le rasoir non seulement pour être sûr d’être parfaitement glabre en période de barbite aigue, mais aussi pour trancher quelques gorges (de mouton de Panurge) au passage. Quoiqu'il en soit, la réponse à ces questions semble évidente : tout ceci est lié au fameux instinct grégaire qui nous pousse à vivre en troupeau et, de ce fait, à chercher par tous les moyens à être acceptés par les membres qui le composent.



Le troupeau en action

de_l'instinct_grégaire_edited.jpeg

Je lisais l’autre jour un article intéressant sur le concept d’influence normative et sur la manière dont cette dernière peut être plus ou moins bien vécue par les individus qui tôt ou tard finissent par s’y soumettre. L’influence normative est définie comme « l’influence des autres qui nous conduit à nous conformer pour être aimé et accepté par eux » (Aronson et al. 2005). Il en résulte que l’individu en vient à faire pareil que les autres en public afin de ne pas être rejeté et ce, qu’il soit ou non d’accord avec les normes admises par le troupeau dans sa vie privée.


Je sens que les cheveux des plus insoumis d’entre nous se dressent machinalement sur leur tête et je les comprends, j’en fais partie. Comment grand diable pourrait-on se laisser soumettre par ces clones écervelés sans s’en rendre compte, voire pire encore, de manière totalement consciente et uniquement dans le l’idée d’être accepté par eux ! Mais qui voudrait de ça ? Ne vous y trompez pas, nous sommes tous aliénés par les contraintes sociales dont l’ensemble forme ce que l’on revêt des nobles capes de dame Culture et duchesse Civilisation.


J’ai suivi un cours en ligne de psychologie sociale l’automne dernier (MOOC sur Coursera que je recommande), matière qui étudie les processus mentaux ou comportementaux des individus entre eux et qui constituent le grand théâtre des interactions sociales, de la société, du monde, de nos vies telles qu’on les expérimente avec plus ou moins d’intensité et d’intentionnalité, chaque jour jusqu’à l’heure de notre mort amen.


C’est là que j’ai visionné la vidéo suivante pour la première fois et autant vous dire que ça ne m’a pas fait plaisir, un peu comme quand j’ai lu Kafka et son foutu procès pour la première fois en me disant, mais bordel de merde pourquoi t’agis comme un coupable alors que t’as rien fait du con !


L’expérience d’Asch

J’adore le petit rictus dédaigneux du mec à la première série de mauvaises réponses, genre « mais vous êtes bigleux ou alors juste trop stupides ! » Et ouais, mais y fait pas le malin longtemps et finit les yeux fermés, penché en avant les jambes suffisamment écartées et la bouche grande ouverte…


Toujours pas convaincus par l’emprise absolue de notre instinct grégaire sur nos pitoyables petites personnes ? Moi non plus jusqu’à ceci :


L'expérience d'Asch dans un ascenseur

 
 
 

Comments


Ça vous a plu, partagez !

Zic du jour
Publications récentes
À consulter
Tag Cloud
bottom of page